samedi 25 octobre 2008

magique...

nouvelles de Kaboul

je consulte souvent le blog d'Annabel (lien ci-contre) pour avoir des nouvelles de la-bas.
je copie ici son dernier post.

n'oublions pas l'Afghanistan.


Afghanistan - Kaboul
de Annabel, le 24-10-2008
Début d'hiver à Kaboul
Il n'y a pas vraiment d'automne. Juste un coup de froid qui s'est abattu sur la ville et les collines alentour et qui fait frissonner. A Karte-e-Parwan, là où je vis et travaille, il paraît que c'est pire. Je ne sais quelle disposition du terrain fait que le vent y souffle plus fort, le soleil s'y couche plus tôt. Les collines sans doute.
Kabou à 1800 m d'altitude... Ca sonne comme une publicité pour une station de sports d'hiver. Je crois que le sport cet hiver à Kaboul sera plutôt d'éviter les menaces des groupes armés de l'opposition. La mort de Gayle Williams, à 34 ans, fut un choc pour toute la communauté expatriée en Afghanistan, bien plus que pour la mort des soldats français. En effet, cette jeune femme, quelque fut ses idéaux, étaient venus en Afghanistan pour assister des enfants malentendants, aveugles, à recevoir un minimum d'éducation et au-delà, d'attention et de respect de la part de leur entourage. Elle n'était pas venue pour se battre, elle n'était pas venue pour se mettre en danger, elle n'était pas venue pour faire respecter un état de droit... Et pourtant, cible facile alors qu'elle se rendait à pieds de chez elle à son bureau, elle s'est fait descendre par deux hommes masqués. Cible car attendue, cible car repérée dans ses déplacements quotidiens. C'est étonnant que des groupes armés donnent tant d'importance à une simple représentante humanitaire. Accusée de prosélytisme, elle a été abattue dans la rue, comme un lapin un jour de chasse. La France ne s'émeut pas, ou peu. Je ne la connaissais pas, je ne l'avais jamais rencontrée, ne fréquentant sans doute pas les mêmes lieux de sortie ou n'ayant pas les mêmes loisirs. Mais que l'on s'insurge de soldats qui sont venus faire la guerre (c'est étonnant ça non, des soldats qui font la guerre ?), et que l'on hausse les épaules à propos d'une jeune travailleuse humanitaire, en faisant en passant la remarque qu'elle était au courant des risques... J'ai du mal à comprendre. Mes pensées vont à sa famille, à ses amis, et à tous ceux qui se souviendront d'elle. Même ici, il y a un certain cynisme par rapport à son appartenance religieuse. Au lendemain de sa mort, ne recevons-nous pas des messages d'autres représentants d'ONG pour nous encourager à nous distinguer de ce genre d'organisation. Moins de monde pour dénoncer cet assassinat cette fois...

C'est l'hiver donc à Kaboul et il fait froid. Il fait froid un peu partout. Dans ma tête, un peu dans mon c%u0153ur (pardonnez-moi cet écart romantique)... La trêve des confiseurs ne sera sans doute pas respectée cette année, dans ce contexte de début de processus électoral. Du moins, c'est ce qu'il se dit. Les restaurants pour les expatriés sont de plus en plus la cible de menaces directes (qui pour l'heure heureusement demeurent à l'état de menace). J'ai un pincement au c%u0153ur en sortant de chez moi le matin. Je dois traverser la rue pour rejoindre la voiture qui m'attend. Pincement au c%u0153ur pour moi et pour mes collègues dans la voiture, quelques jours après l'assassinat de Gayle Williams. Et pourtant, je n'ai que rarement éprouvé la même passion pour un travail que celle que je ressens aujourd'hui. Ce n'est pas une expérience humaine aussi riche qu'au Cambodge, en tout cas sur le plan interculturel, mais je sens, presque physiquement, mon cerveau qui bouillonne à longueur de journée. Les relations entre les expatriées de la mission se réorganisent en fonction de nos relations de travail. Nous avons besoin des uns des autres, et chacun s'accroche un peu à ses collègues. Nous nous refermons sur nous, d'une certaine façon, comme une meute en danger. On ressert les rangs...

Demain, je dois assister à une réunion convoquée par des hommes politiques d'une des provinces dans lesquelles nous travaillons. En tant que nouvelle Représentante d'AMI, ce sera à moi d'aller négocier avec ces hommes, descendus de leurs montagnes pour s'insurger de notre refus de construire une clinique dans une zone où la sécurité est loin d'être garantie. Autant dire que je stresse. Pas pour ma sécurité, ça va, ce sera au ministère de la santé. Mais je sais ce que je vais être : une jeune française à peine sortie du nid, qui ne comprendra rien à ce qui va se passer, qui devra s'effacer derrières ses collègues du Ministère de la Santé, qui ne pourra parler que lorsqu'on lui adressera la parole. Je ne serai pas seule car un de mes collègues, qui connaît déjà certains des intervenants, m'accompagnera.
Pour l'heure, j'attends d'être demain midi. J'attends que ce soit derrière moi.
Peut-être que finalement, je pense aussi cela pour cette mission en Afghanistan.